Dans cette comédie, Arnolphe, craignant d'être trompé et se croyant plus malin que ses amis, décide de prendre une petite fille, Agnès, dans un couvent, puis de l'enfermer dans une maison gardée par deux serviteurs, Alain et Georgette, pour qu'elle n'ait aucun contact avec des jeunes hommes et reste totalement ignorante. Il lui interdit toute éducation de peur qu'elle n'ait des idées d'adultère. Cependant, elle rencontre un jour un beau jeune homme, Horace, qui lui fait du charme. Très crédule et ne connaissant rien des ruses des séducteurs, elle se laisse séduire et raconte avec beaucoup de naïveté tous les détails de cette séduction à Arnolphe, qui est furieux !
Agnès
Qu’avez-vous ? Vous grondez, ce me semble, un petit.
Est-ce que c’est mal fait ce que je vous ai dit ?
Arnolphe
Non. Mais de cette vue apprenez-moi les suites,
Et comme le jeune homme a passé ses visites.
Agnès
Hélas ! si vous saviez comme il était ravi.
Comme il perdit son mal sitôt que je le vis,
Le présent qu’il m’a fait d’une belle cassette,
Et l’argent qu’en ont eu notre Alain et Georgette,
Vous l’aimeriez sans doute, et diriez comme nous.
Arnolphe
Oui. Mais que faisait-il étant seul avec vous ?
Agnès
Il disait qu’il m’aimait d’une amour sans seconde,
Et me disait des mots les plus gentils du monde,
Des choses que jamais rien ne peut égaler,
Et dont, toutes les fois que je l’entends parler,
La douceur me chatouille, et là-dedans remue
Certain je ne sais quoi dont je suis tout émue.
Arnolphe, bas à part.
Ô fâcheux examen d’un mystère fatal,
Où l’examinateur souffre seul tout le mal !
Haut.
Outre tous ces discours, toutes ces gentillesses,
Ne vous faisait-il point aussi quelques caresses ?
Agnès
Oh tant ! il me prenait et les mains et les bras,
Et de me les baiser il n’était jamais las.
Arnolphe
Ne vous a-t-il point pris, Agnès, quelque autre chose ?
La voyant interdite.
Ouf !
Agnès
Hé ! il m’a…
Arnolphe
Quoi ?
Agnès
pris…
Arnolphe
Heu !
Agnès
Le…
Arnolphe
Plaît-il ?
Agnès
Je n’ose.
Et vous vous fâcherez peut-être contre moi.
Arnolphe
Non.
Agnès
Si fait.
Arnolphe
Mon Dieu ! non.
Agnès
Jurez donc votre foi.
Arnolphe
Ma foi, soit.
Agnès
Il m’a pris… Vous serez en colère.
Arnolphe
Non.
Agnès
Si.
Arnolphe
Non, non, non, non. Diantre ! que de mystère !
Qu’est-ce qu’il vous a pris ?
Agnès
Il…
Arnolphe, à part.
Je souffre en damné.
Agnès
Il m’a pris le ruban que vous m’aviez donné.
À vous dire le vrai, je n’ai pu m’en défendre.
Arnolphe, reprenant haleine.
Passe pour le ruban. Mais je voulais apprendre,
S’il ne vous a rien fait que vous baiser les bras.
Agnès
Comment ! est-ce qu’on fait d’autres choses ?
Arnolphe
Non pas.
MOLIÈRE, L'École des femmes, 1661
Source : https://lesmanuelslibres.region-academique-idf.frTélécharger le manuel : https://forge.apps.education.fr/drane-ile-de-france/les-manuels-libres/francais-premiere ou directement le fichier ZIPSous réserve des droits de propriété intellectuelle de tiers, les contenus de ce site sont proposés dans le cadre du droit Français sous licence CC BY-NC-SA 4.0